Synopsis: Calcutta,1880 . Alors que son mari la délaisse pour son implication dans un journal politique, Charulata s’ennuie. S’en rendant compte, il invite son cousin Amal à l'aider dans ses aspirations littéraires. De nouveaux sentiments la troublent alors …
La fiche du film
Le film
Coffret Satyajit Ray 01er Mars 2022 : « La Grande Ville », « Charulata », « Le Lâche », « Le Saint », « Le Héros » et « Le Dieu éléphant »
- Ours d’argent .Meilleur réalisateur au Festival international de Berlin 1965.
- Golden Lotus Award du meilleur film aux National Film Awards (Inde) 1965.
D’après l’oeuvre de Rabindranath Tagore
A une époque où la bourgeoisie indienne tient encore l’anglais comme maître absolu, Satyajit Ray apporte à son pays des raisons d’espérer.
Dans l’escarcelle de Bhupati, (Shailen Mukherjee) intellectuel aisé, une publication politique. Imprimée dans sa noble demeure, il y consacre toute son énergie au détriment de son épouse Charulata, une femme sentimentale et douée pour la littérature.
Charulata utilise beaucoup ses jumelles pour regarder autour d’elle, le monde qui tourne sans elle. A ce titre, l’ouverture est magistrale. Et puis observer ce cousin qui la trouble…
Conscient de son abandon, il convie son cousin Amal (Soumitra Chatterjee) à venir lui tenir compagnie. Lettré, rêveur et insouciant le jeune homme ne refuse pas une telle proposition dans une demeure si riche et propice au farniente.
Il aide bien évidemment sa cousine dans ses épanchements littéraires , mais « sans qu’elle ne s’en aperçoive » comme le lui suggère le mari.
Amal s’y prend parfaitement, dans un jeu d’approches que le cinéaste filme à distance, lui qui affectionne tant les gros plans. Ils reviendront plus tard, photo et cadre à l’unisson, quand l’amusement du jeune homme s’estompe imperceptiblement face aux sentiments de plus en plus confus de sa cousine.
Si Amal ne les comprend pas encore, le mari en ignore totalement l’existence, tout à son œuvre journalistique, aux difficultés qu’elle entraîne et à la victoire des Libéraux sur les Tories à Londres. Espoir supplémentaire pour ce réformateur convaincu du droit à la parole du peuple indien.
Ce monde en transition, Satyajit Ray le filme avec malice dans le parallèle amoureux où secrètement Charulata se perd, se réfrène, avant de laisser au grand jour éclater ses émois. Amal accepte en effet la proposition du mari, d’un mariage qui le conduirait en Angleterre…
Son départ, c’est la fidélité qui demeure intacte, le respect de l’engagement et la sincérité d’un homme intègre, un homme honnête.
Floué par un proche dans son journal, Bhupati peut-il en mesurer l’influence ? A l’image de l’Art possible détonateur d’une révolution de palais. L’Art qui réconcilie dit encore Satyajit Ray dans son épilogue heureux, certes, mais à jamais marqué.
LES SUPPLEMENTS
- À propos de… Entretien avec Charles Tesson – Critique, historien du cinéma et auteur du livre « Satyajit Ray ». (7 mn )- L’importance que prend Rabindranath Tagore dans l’œuvre du cinéaste. Le film dont il est le plus satisfait à tout point de vue. Tesson explique pourquoi et comment . Il fait ainsi allusion au film suivant « Le lâche » avec ce triangle amoureux …
La circulation des personnages, la fluidité de la mise en scène …
- Le film vu par Eva Markovits ( 9 mn )- Programmatrice de nombreux festivals, elle développe son point de vue en décryptant plusieurs actions du récit.
- L’invité de FR3, le 18 janvier 1981.(20 mn )-Je passerais sur la mise en scène du studio télé , qui ne manque pas de piquant. La journaliste a du mal à se souvenir des films de l’un de ses invités, Claude Sautet.
Michel Ciment, le critique est également sur le plateau. Satyajit Ray parle de ses débuts et de la difficulté de tourner dans son pays. Pour « Charulata » il confirme tout l’intérêt qu’il porte à l’œuvre de Rabindranath Tagore, le Prix Nobel de littérature.
Sa passion pour Jean Renoir est également au programme. Pour « Le Fleuve » . , ils ont collaboré partiellement sur le tournage.
Michel Ciment dit tout le bien qu’il pense du travail de Satyajit Ray . Son intérêt pour le monde , mêlé au gens et à une recherche de style. A ses yeux un cinéma équilibré.
- Bande annonce , Satyajit Ray , le poète Bengali- Elle présente la filmographie du réalisateur indien, dans le cadre d’une rétrospective.
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Les triangles amoureux dans ce blog :
Le film
C’est à mon avis un film très subtil qui sous les apparences d’un conte amoureux puritain, esquisse l’avenir de l’Inde, une fois libérée du joug britannique. C’est le combat de Bhupati, un riche intellectuel, à travers le journal politique qu’il dirige depuis sa noble demeure. Pour accompagner son épouse qui s’ennuie, il engage secrètement son cousin Amal, jeune poète,pour l’aider dans ses aspirations littéraires. Amal s’y prend très bien, dans un jeu d’approches que le cinéaste filme à distance, lui qui affectionne tant les gros plans. Ils reviendront plus tard devant les sentiments de plus en plus confus de sa cousine. Le trio amoureux qui se forme est alors inédit, presque informel, il s'ignore encore. Ou la maîtrise totale de Satyajit Ray dans cette observation d’un monde en transition, où quelques modes ancestrales figent le poids des traditions et des mœurs culturelles. L’art peut-il contribuer à cette évolution ? L’Art qui réconcilie dit encore Satyajit Ray dans son épilogue heureux, certes, mais à jamais marqué.