Synopsis: L’histoire d'une bande de copains de Boulogne-sur-Mer, une ville durement touchée par la crise. Un an entre rêves et désillusion. Imaginées par ces adolescents issus du monde ouvrier ou de la classe moyenne, des chansons font régulièrement basculer le réel dans la poésie, le rire et l'émotion
La fiche du DVD / Blu-Ray
Le film
Il est rare me semble-t-il qu’une grue soit utilisée pour un documentaire. Ici, c’est la marque d’une orientation scénique originale pour un tel filmage. David André pose un regard très personnel sur un sujet adolescent qu’il transcende par le truchement de sa réalisation et de son scénario. Il en fait une fiction réaliste.
L’un comme l’autre s’accordent sur des cadrages qui signifient toujours quelque chose. Parfois l’enfermement de ces jeunes coincés entre des études peu palpitantes et des parents au taquet. Ou bien la possibilité de s’évader de ces cadres si bien formatés, où la mer se perd dans le bleu du ciel délavé.
Boulogne sur Mer. Pas terrible disent-ils, et la crise en toile de fond. Les jeunes boulonnais ressemblent à tous les jeunes, d’hier et d’aujourd’hui avec des parents de la même trempe. Des ados assez ordinaires, qui se regardent en face, font leur autocritique sans flagellation, et avec bonhommie parfois. Il y a beaucoup d’honnêteté de leur part dans ce documentaire qui ne pose pas de questions, mais laisse les gens donner des réponses.
Ils vivent comme si la caméra n’était pas là, alors que tout paraît construit, argumenté, presque répété. Gaëlle et Rachel ont déjà des postures de comédiennes pour dire ce qu’elles ont sur le cœur, de rêves, de désirs et de frustrations. Les adultes sont plus posés, mais David André a su trouver le bon angle, la bonne distance pour les amener à révéler leurs inquiétudes de parents. On les voit en situation, sur leurs lieux de travail face à la légèreté, l’insouciance de leurs progénitures, malgré tout conscientes du monde qui les attend.
Pour mieux en parler, il le chante. C’est l’autre bonne idée de ce documentaire : des chansons très simples, une écriture blanche, presque naïve, mais qui raconte bien le moment, la situation. On n’est pas dans le trip Honoré, foin du romantisme évanescent des amours égarées, mais plutôt une conscience immédiate.
J’ai déjà cité Gaëlle, interprète naturelle de ses états d’âme, mais Nicolas est un cas à lui tout seul. Fort en thème, il est bohême et dilettante et quand il chante façon Gainsbourg, il est irrésistible. C’est une séquence à la fois onirique et pleine de promesses, une mise en scène singulière entre le clip et la réalité.
Ses copines en sont amoureuses, mais Rachel ne paraît pas jalouse. Un couple bien sympa qui pense qu’il ne résistera pas à l’après-bac. Chacun son destin. « Boulogne c’est pas l’avenir de nos enfants, on ne peut pas être serein pour nous, alors pour eux… » dit une mère de famille. Une autre, plus fataliste, peut-être« Du moment qu’elle travaille, un travail c’est un travail. (…) S’ils sont prêts à gagner le Smic dans un truc qu’ils aiment, pas de souci, s’ils se réalisent dans leur job c’est le plus important » conclue une troisième.
Mais la priorité pour l’heure, c’est le bac, un diplôme scolaire comme un sésame pour quitter la ville. Il serait intéressant de les revoir dans une dizaine d’années…
Review Overview
Le film
Copains au lycée, ils préparent le bac qui leur permettra de quitter une ville dans laquelle disent-ils, ils n’ont guère d’avenir. Leurs parents, inquiets comme des parents, confirment, bien qu’ils soient attachés à leurs racines. Pères et mères en situation, sur leurs lieux de travail, face à la légèreté, l’insouciance, la confiance de leurs enfants. Rien que du très classique mais le dialogue apporte quelque chose de vivifiant, de serein et plein d’espoirs, sous l’œil attentif d’un réalisateur de documentaire qui filme à la manière d’une fiction. Certains intervenants ont des postures d’acteurs, et se prêtent au jeu des dialogues chantés, autre belle intrusion dans ce documentaire qui privilégie aussi le cadre. Il est toujours resitué dans le contexte urbain, mais avec de la poésie même si la ville ne s’y prête pas toujours. Le cinéaste trouve le coin de neige qui fait rêver, le bord de mer comme abordé sur un autre continent. Un excellent documentaire ,d'une grande richesse esthétique .
Un commentaire
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