Synopsis: Après 20 ans de mariage, Maria décide de quitter le domicile conjugal. Une nuit, elle part s’installer dans la chambre 212 de l’hôtel d’en face. De là, Maria a une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Elle se demande si elle a pris la bonne décision. Bien des personnages de sa vie ont une idée sur la question, et ils comptent le lui faire savoir.
La fiche du film
Le film
- Cannes 2019, Un certain Regard, Prix d’interprétation pour Chiara Mastroianni
- DVD : 18 février 2020
Chiara Mastroianni quitte souvent ses maris sous le regard d’un même homme, ce Mr Honoré au talent singulier. Mais cette fois l’ordre de Saint Christophe tient plus de la proposition que du déni conjugal.
Malgré les faits…
Après avoir reconnu sans regrets particuliers qu’elle vivait parfois sa vie en dehors du contrat de mariage, Maria abandonne son pauvre Richard . Elle passera une nuit dans l’hôtel juste en face de leur appartement. Pour réfléchir, faire le point et peut-être agir !
La passerelle est invisible, mais le signal est fort. Et symbolique. L’entame d’un voyage dans le temps où la belle qui ne cache pas le plaisir de croquer ses amants les revoit passer, bien malgré elle..
Le véritable maître d’œuvre, métronome des cœurs, n’est autre que son mari au temps de leurs fiançailles.
Il n’en revient pas de visionner les écarts de sa jeune femme d’alors qui la cinquantaine en vue contre-attaque sur un « détail amusant » de son adolescence. Marie tient la partie – c’est un jeu, indubitablement – quand surgit Irène Haffner .
Elle était sa professeur de piano, ils s’aimaient . « J’ai fabriqué un mari idéal, mais je n’ai pas pu en profiter , vous êtes arrivée » dit-elle à Marie qui assure que l’on a toujours « une possibilité de réparer ses erreurs ».
« Elle le prend vieux, moi je le garde jeune« …
Marie se rattrape toujours. Elle a convoqué ses rêves, ses souvenirs, ses fantasmes, son histoire que Christophe Honoré nous laisse entrevoir par le petit bout d’une lorgnette fantaisiste.
Un imaginaire à la guise de nos passions et de notre propre histoire.
Dans l’insolence des uns ou des autres, leurs humeurs agacées, leurs contraintes assumées, on y retrouve un peu de nous, quand avec une telle espérance de vie dit l’héroïne, il n’est pas étonnant que l’on soit les rois de la désillusion .
C’est à la fois lucide et désespéré, avec cette lueur d’espoir que Marie ne cesse d’entretenir sous l’apparat d’une mise en scène lumineuse, même si parfois l’exercice de style plombe la réalisation. Le décor des lieux, souligné, est assumé par cette entremise scénique dont chaque comédien tire un joli profit.
Chiara Mastroianni aura donc un prix à Cannes, mais Camille Cottin ( la professeur de piano ) , Vincent Lacoste et Benjamin Biolay ( Richard, jeune et moins jeune … ) sont à la hauteur de cette représentation stylisée d’un monde où le rêve et le fantasme confondent leurs plaisirs.
Christophe Honoré revient alors sur terre avec un refrain, un petit air de rien qui n’en finit pas. Comme le B.a.-ba du cinéma …
Le film
On pourra ergoter sur la nature exacte de cette mise en scène d’un récit à haute voix qui figure les rêves et les fantasmes d’une femme entre deux âges. Le moment idéal à ses yeux de faire le point sur sa vie, celle de son couple mais aussi de son passé où les amants défilaient presque par nature. Un constat que le jeune marié se refuse à admettre quand 25 ans plus tard, il prend fait et cause pour cette femme qu’il aime encore et toujours. Le transfert du passé à cette nuit d’inconfort offre à Christophe Honoré des propositions scéniques assez fortes, au point parfois de forcer l’exercice de style. Mais l’originalité des situations procure en retour des séquences parfaites, merveilleuses et significatives que l’ensemble du casting assume avec une parfaite élégance.