Synopsis: Clara, la soixantaine, ancienne critique musicale, est née dans un milieu bourgeois de Recife, au Brésil. Elle vit dans un immeuble singulier, l'Aquarius construit dans les années 1940, sur la très huppée Avenida Boa Viagem qui longe l'océan. Un important promoteur a racheté tous les appartements mais elle, se refuse à vendre le sien. Elle va rentrer en guerre froide avec la société immobilière qui la harcèle. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, son passé, ceux qu'elle aime.
La fiche du film
Le film
Le gouvernement brésilien n’a pas apprécié la façon dont les membres du film de Kleber Mendonça Filho l’ont accompagné à Cannes. Un film qui peut même se lire aujourd’hui à la lumière de la situation actuelle du pays. La résistance, passive mais déterminée de Clara, seule au milieu de ces appartements désertés, apparaît alors comme une puissante allégorie.
Contrairement à la classe dirigeante précédente, on ne l’accuse pas de fraude et de détournement, mais c’est une destitution de sa vie, de son passé, de ses amours, à laquelle procède le promoteur responsable de l’opération immobilière.
La détermination froide, presque instinctive de l’héroïne figure un portrait de femme, loin de l’exaltation et de la révolte aveugle.
Elle forge une personnalité enracinée dans une histoire professionnelle, familiale et sentimentale que ne peuvent biffer d’un trait de plume les technocrates. Malgré les vicissitudes de la vie, un cancer, l’ablation d’un sein, Clara vit pleinement sa retraite, confortablement posée entre ses amies avec qui la fête est de mise et des enfants partagés par le sort de cette mère qu’ils ne comprennent plus vraiment.
Depuis six ans, elle tient tête à la société de construction qui est d’une patience exemplaire et rare en ce genre de circonstance.
Mais le responsable de l’opération, un jeune homme en charge de son premier dossier important, va passer à l’attaque. Sans grand tapage, ni démolition intempestive. Plus insidieusement, avec habileté pourrait-on dire s’il n’y avait dans ces interventions nocturnes de fêtards en goguette, et diverses intrusions sans conséquence apparente, une volonté plus sournoise.
Le quotidien de Clara commence alors à se chambouler , sa quiétude, ses habitudes, un rien malmenées par les allées et venues des ouvriers effectuant de menus travaux. Sa colère demeure contenue, mais Clara se voit de plus en plus contrainte.
Ses enfants s’inquiètent de cette vieille folle comme elle dit, perdue dans un immeuble fantôme. Est-ce l’argent, une grosse somme, qu’elle pourrait recevoir en compensation qui les chagrine ? De vieilles querelles resurgissent en clair-obscur, des non-dits éclatent au grand jour.
Clara a des moyens, cinq appartements, une vie préservée dans le monde de la musique et de la bourgeoisie brésilienne, elle n’attend rien de cette histoire-là. Sinon conserver le si peu d’elle-même, qu’elle protège.
Et ce ton apaisé, un peu surprenant dans ces remous en ébullition, cette prise d’une forteresse annoncée, cette chute d’une ivresse de bonheur qui s’amenuise et qu’elle va afficher encore un peu à la face du jeune prétentieux et de ses patrons. Même si l’étau se resserre, et qu’elle comprend trop tard la manière dont il se meut.
Immeuble fantôme, mais femme magnifique. Sonia Braga, dans toute sa lumière et des certitudes. Entre l’espoir et la liberté, le bonheur peut-être !
Le film
A la lumière des récents événements survenus au Brésil, ce film apparait encore plus politique qu’il ne devait l’être dans ses intentions premières. Un acte de résistance plein et entier contre la corruption et le pouvoir des nantis, même si pour une fois l’expropriée en attente appartient elle aussi à une certaine classe dirigeante. Une veuve de la bourgeoisie qui ne demande que son histoire professionnelle, familiale et sentimentale ne soit pas biffée par un trait de plume de technocrates. Le réalisateur est tout aussi retenu dans sa manière de relever les différentes pièces d’un dossier que ses enfants commencent à avoir du mal à suivre. Eux aussi. Aux extrêmes ainsi posés, elle joue sur le passé qui furtivement rattrape l’héroïne, images fugaces, frénésie retenue avant que la vie, le bonheur et les copines ne la rattrapent au détour d’une fête. C’est fluide et paradoxalement apaisé, même si l’étau se resserre, et qu’elle comprend trop tard la manière dont il se meut. Sonia Braga, dans toute sa lumière et des certitudes. Entre l’espoir et la liberté, le bonheur peut-être !
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