- 23 août 2023 en salle
- DVD : 21 décembre 2023
- 150 mn / Policier, Drame, Judiciaire
- Avec Sandra Hüller, Swann Arlaud, Milo Machado Graner
L’histoire : Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de 11 ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.
Si les étoiles n’apparaissent pas, reportez-vous à la fin de l’article
- Palme d’Or du Festival de Cannes 2023
- Lumière 2024 du meilleur film et de la Meilleure Actrice : Sandra Hüller
- British Independant Film Awards . Prix du meilleur film étranger.
- Golden Globes 2024 – Meilleur scénario original – Meilleur film en langue étrangère
- Goya du Meilleur film européen 2024
- Prix Jacques Deray 2024,
- Sandra Hüller César2024 de la Meilleure Actrice
- César 2024 du Meilleur Scénario
Comme toujours, la vérité sort de la bouche des enfants.
Les gendarmes cherchent à savoir comment l’homme a pu chuter du second étage. Du haut de ses 11 ans, Daniel son garçon malvoyant rétorque qu’il faut plutôt se demander « pourquoi est-il tombé ? » .
La raison d’être d’un couple que l’on accompagne tout au long de ses souvenirs répertoriés pour les besoins d’une session d’Assises. L’épouse est suspectée d’avoir poussé son mari dans le vide.
Dans ce film à prétoire, Justine Triet s’écarte des plaidoiries convenues pour bien souvent confier sa réalisation à ses protagonistes. Le plus évident, le plus implacable, le procureur, maître des lieux et de la mise en scène.
Il nous implique dans son processus d’identification au déroulement du drame, et nous demande implicitement de choisir sinon notre camp, du moins la version qui nous parait la plus plausible.
A travers ses charges très violentes, les relations conflictuelles du couple apparaissent et nourrissent son discours Antoine Reinartz est impressionnant. Presque fascisant …
Ou la perte de neutralité du spectateur déjà sollicité au cours des différentes étapes de la reconstitution policière. La cinéaste se l’approprie à nouveau pour la substituer à la scénographie du drame.
Une approche méthodique d’une mise en abîme dans laquelle la réalisatrice nous plonge insidieusement. Sur un scénario millimétré, signé Arthur Harari…. . Entre les époux, les litiges ne manquent pas, dont le plus aigu est l’appropriation des idées d’un roman en jachère, par la femme qui en fera un succès…
A qui appartient l’histoire une fois livrée au lecteur ? se demande encore Justine Triet qui nous renvoie à son propre film, aux ramifications si noueuses (suicide, meurtre, divorce, jugement, cécité … ) , que l’inextricable conduit à l’anéantissement .
Ce film très très long empile les questionnements , sans y répondre toujours. Un côté prétentieux à la rhétorique soutenue.
LES SUPPLEMENTS
Cinq scènes coupées ou alternatives ( avec ou sans commentaire ) -La réalisatrice explique les raisons de ce chapitre. Variations sur certaines séquences, scènes totalement revues au fil du tournage ( « je cherche en permanence sur un plateau ce que je veux « )
Le film à l’origine durait trois heures et demi , mais elle évoque aussi au montage le projet d’une mini-série à monter en parallèle
« Le médium » ( inédit ) dans la chambre du défunt –« Les retrouvailles » , entre Vincent l’ami, l’avocat et Sandra-« La dispute entre la femme et le mari » , version longue , 11 mn -« Le restaurant », les avocats et Sandra , après le tribunal -« Vincent et Sandra « , la suite de la séquence précédente, mais uniquement entre les deux protagonistes, dans un rapport plus explicite
Les entretiens
Justine Triet et Arthur Harari ( 32 mn – photo ) : la genèse du projet, la montagne, une femme, un fils mal-voyant , des points de départ qu’ils développent pour expliquer le scénario et leurs personnages. Et une comédienne, Sandra Huller, telle une évidence
Justine Triet et les producteurs ( 35 mn ) , comment développer un tel projet . « J’ai envie de faire un film dans un chalet, de la neige et un chien… ». C’était juste avant le Covid et deux ans plus tard le script est sur le bureau : le couple, la culpabilité d’une femme, … le sujet s’est bien étoffé. « On avait quelque chose de beaucoup plus riche … »
Swann Arlaud et Milo Machado-Graner ( 20 mn )-Une rencontre étonnante avec la réalisatrice et surtout au départ une incompréhension totale de la part du jeune comédien qui cherche à comprendre où est l’histoire …
La construction du film tel un huis clos …
Antoine Reinartz en avocat général (20 mn ) , comment est-il arrivé sur le film et quelles sont les questions qui se posent de son point de vue face à un tel dossier ? La littérature peut-elle parfois expliquer des faits et gestes répréhensibles. Me Courcelle-Labrousse conseiller juridique sur le film , répond à cette question et à bien d’autres…
Casting
Milo Machado-Graner- Il est d’abord filmé en entretien puis sur quelques scènes du film, où on le voit notamment pleurer …
Antoine Reinartz-Plus de dix minutes en condition de plaider à charge, une interprétation déjà très forte
Répétitions (26 mn) –Là encore on a le droit à la scène « des clés » avec Milo Machado-Graner, déjà très convaincant, puis avec le chien et le coach Laura Martin Contini. Le jeune comédien est très à l’aise semble-t-il
Laura Martin, coach animalier ( 7 mn )-Un monde à découvrir celui du dressage que la dame veut raisonné. En nous présentant Messi, le chien du film, elle explique pourquoi
Le film
les bonus
Ou comment Justine Triet s’approprie les éléments de son scénario ( y a-t-il eu meurtre ou suicide ?.. ) pour en faire des pièces maîtresses de sa réalisation
La reconstitution des faits est une mise en scène.
Au cours de ses nombreuses interventions , le procureur du tribunal devient le metteur en scène.
Et quand l’avocat prépare sa cliente à la session d’Assises , il la guide, multiplie les répétitions , lui indique les mots et les expressions à dire ou à ne pas dire … Là encore on est dans une approche très scénographique du récit .
Sur cette constance, la réalisatrice élabore une rhétorique très circonstanciée vis-à-vis de la vie de couple, qui à force de s’éterniser dans différentes strates du drame , me parait bien fumeuse.
Leur gamin apporte une touche originale au déroulement de l’enquête, tout en demeurant lui-même un mystère.
Ce film très très long empile ainsi les questionnements , sans y répondre toujours. Son côté prétentieux illustré dans une confrontation maritale extrême, qui ne peut laisser indemne, mais brise le rythme et le souffle engagés aux préliminaires.
AVIS BONUS
Cinq scènes coupées ou alternatives, de nombreux commentaires, des répétitions, le casting ... , le film soigne son aura .
Pour une fois, je me laisse influencer par tes remarques, à savoir que tu as trouvé ce film long. Je n’irai donc pas le voir ,les films longs me faisant peur! Cette semaine, j’ai déjà quitté la salle pendant Oppenheimer ,malgré l’intérêt historique et humain du sujet.
Arrivederci ,vado vedere l’ultimo di Gianni Di Gregorio
il pourrait être long s’il avait réellement de quoi alimenter
tout ce temps
Contrairement à ce que je lis , ce n’est pas un film de procès, mais
de prétoire, où la mise en scène d’une session d’Assises devient celle d’un film qui s’en approprie les vertus et la rhétorique.
Ce qui à-priori pourrait être un exercice de style cinématographique intéressant si la réalisatrice ne se prenait pas les pieds dans
le tapis en appliquant les règles d’un système qu’elle caricature à force de redondances et d’insistance dans sa direction d’acteurs. Ca devient très prétentieux
Je ne sais pas si la Palme d’or est méritée car je n’ai pas tout vu de Cannes mais c’est un très bon film, très riche par les sujets abordés, dont le procès, la vie du couple, la bisexualité, la parole laissée à l’enfant (il y a une une scène magnifique et même magique qu’il ne faut pas trop divulgacher).
Un bon point : c’est un film qui permet beaucoup de discussions.
Très bons acteurs par ailleurs.
Enfin, une vérité : quand il y a deux écrivains dans un couple, il y en a un de trop…
Finalement,un jour de pluie et un Oscar aidant, je ne regrette vraiment d’être allée voir ce film que j’ai trouvé passionnant.
Sandra Huller et le jeune Milo sont époustouflants ( même le chien est bon)
Prise dans la difficulté de faire un choix ( difficile de rester neutre),un trouble s’installe au fur et à mesure de l’exposition des faits et surtout ceux de l’avocat général ( qui me mettait mal à l’aise), qui à défaut de preuve, s’attaque à la morale de la vie de l’accusée.
Trouble devenant encore plus profond après les révélations de l’enfant relatant un déplacement (« sans musique »)avec son père , ses paroles se retrouvant sur les lèvres de ce dernier .
Questionnement également sur la toxicité dans un couple quand les échecs de l’un sont rejetés sur les réussîtes de l’autre.
Film extrêmement intéressant
Ouf ! Enfin une critique qui ne s’esbaudit pas sans mesure devant ce film. Je ne comprends pas le délire frénétique provoqué par un produit de série B qui enchaîne les clichés et les banalités. Pas un mauvais film, non, mais un scénario vu mille fois (même dans des séries télé, c’est dire !), des situations rebattues et une réalisation correcte mais classique, sauvée par d’excellents comédiens, c’est vrai.
Certains réalisateurs découvrent les prétoires comme des Indiana Jones lâchés en terre inconnue, prenant pour original ce qui n’est que le quotidien banal des tribunaux. C’est le cas d’Anatomie d’une chute, dont la réalisatrice regarde avocats, juges et procureur comme des aliens et les plaidoiries comme du Shakespeare.
Même remarque pour l’analyse du couple, dont on nous dit que « le naufrage est disséqué au scalpel », dans « un passionnant précis de cinéma » à propos d’un « bijou revenu miraculeusement palmé d’or du dernier Festival de Cannes ».
Désolé, mais des couples qui s’engueulent, qui se jalousent, voire qui s’assassinent, on en a vu des tonnes au cinéma.
La preuve, mais dans un retournement d’analyse surprenant, certains critiques voient dans Anatomie d’une chute « un scénario riche en références sans jamais se laisser écraser par elles » (sic). Et de citer Soupçons ou Anatomie d’un meurtre de Preminger. Si l’on s’intéresse à la justice, autant aller revoir Douze hommes en colère ou La Vérité de Clouzot. À moins que l’on ne préfère relire Kafka.
Cela dit, quelques analyses sont un peu plus nuancées. Je me délecte d’entendre ou de lire « trop long et bourré de petites coquetteries un peu ridicules. C’est l’histoire de […] deux personnages antipathiques dont on se fiche un peu de savoir pourquoi l’un aurait tué l’autre ou pas, et le film dure deux heures et demie, ce qui est terrible ». On a échappé au pire puisque vous nous dites qu’il aurait pu en faire trois ! Ou encore : « Il y avait une espèce de chauvinisme sur la croisette qui consistait à ne pas avoir le droit d’avoir des réserves sur le Justine Triet. » J’aurais dû y aller…
Ça fait plaisir, lâchement, mais je dois avoir tout faux puisque le film est un succès mondial, qu’il remporte statuettes sur compressions et qu’il avance à grands pas vers la consécration oscarisée.
Pas suffisant néanmoins pour que je retourne voir « ce bel objet du cinéma à la française » pour comprendre ce que j’ai manqué.
P.S.: pour le plaisir, cette citation d’un critique adepte des mots à la mode, qui considère comme « glaçante » la découverte d’un cadavre dans la neige. Effectivement, ça jette un froid…