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« Amin » de Philippe Faucon. Critique cinéma-dvd

Synopsis: Amin travaille en France depuis neuf ans. Il a laissé au Sénégal sa femme Aïcha et leurs trois enfants. En France, Amin n’a d’autre vie que son travail et quelques amis au foyer. Aïcha ne voit son mari qu’une à deux fois par an, pour une ou deux semaines, parfois un mois. Elle accepte cette situation comme une nécessité de fait : l’argent qu’Amin envoie fait vivre plusieurs personnes. Un jour, en France, Amin rencontre Gabrielle et une liaison se noue.Il menait alors une vie consacrée au devoir et savait qu’il fallait rester vigilant.

La fiche du film

Le film : "Amin"
De : Philippe Faucon
Avec : Moustapha Mbengue, Emmanuelle Devos
Sortie le : 03/10/2018
Distribution : Pyramide Distribution
Durée : 91 Minutes
Genre : Drame
Type : Long-métrage
le film
Les bonus

Le travailleur immigré laisse souvent une famille au pays. Philippe Faucon énonce le fait avec un naturel confondant. Une évidence qu’il met en scène comme un rappel à l’ordre des choses inscrites dans nos habitudes, nos silences, notre indifférence.

Comme l’envers d’un décor planté par cette main d’œuvre étrangère que le cinéaste rencontre au hasard des chantiers plus ou moins déclarés.

En France, Amin ( Moustapha Mbengue) entasse le sable et le gravier pour construire au  pays sa propre maison. Tout son salaire y passe, avec quelques petits cadeaux qu’il ramène aux enfants lors de ses retours, comptés, au Sénégal.

Indépendante et déterminée, Aïcha doit contrer les velléités familiales que le frère d’Amin entend régler.

Des moments de joie atténués par l’idée du prochain départ et d’une situation qui s’enlise. Aïcha ( Marème N’Diaye ) a tenu neuf ans, mais le temps, l’éloignement, la solitude pèsent sur cette femme qui souhaite maintenant le rejoindre dans son exil. Un avenir plus qu’incertain aux yeux d’Amin qui sait le prix à payer pour vivre seul dans un pays étranger. Avec femme et enfants, il ne le conçoit pas.

Ce dilemme, c’est l’envers d’une médaille que Philippe Faucon retourne dans tous les sens, dans un cinéma qui habituellement ne regarde qu’une face. Le réalisateur accompagne Amin au pays, esquive les embûches frontalières et participe aux efforts des hommes et des femmes pour donner de quoi vivre et manger.

De l’argent pour l’école où Amin a grandi et qu’il retrouve le cœur gros. Le même qui palpite maintenant dans son petit réduit français où quelques amis le rejoignent. Des gens avec des histoires fortes que Philippe Faucon raconte de manière tout aussi simple et évidente. Tout en nuances.

Le blues d’Abdelaziz, quasiment clandestin, et la douceur d’une flûte africaine en écho à celle de sa fille cadette, une « traversière ». C’est sa famille française, sa fierté et son déchirement pour ses premières amours restées au pays.

Le même tourment que connait Amin ravivé par une rencontre à laquelle ni lui, ni elle, ne s’étaient préparés. Tout naturellement, Gabrielle ( Emmanuelle Devos ), en instance de divorce, prête attention à ces ouvriers qui s’affairent à son domicile. Pour finir à temps le chantier, Amin s’attarde un peu plus le soir. Ils vont s’aimer le temps d’un impossible amour bringuebalé par les conventions et la pudeur des sentiments.

Autour de ces autres frontières qui se dressent, Philippe Faucon dresse le constat sensible d’ une évidence de tous les instants, qui pourtant nous échappe quotidiennement.Le travailleur émigré laisse souvent une famille au pays.

LES SUPPLEMENTS

  • Essais comédiens (9′) . Ca se laisse facilement voir, même si les personnages principaux ne sont pas au programme.
  • Essais costumes (4′). On retrouve par contre Emmanuelle Devos et Moustapha Mbengue en train de vérifier l’un l’autre les vêtements envisagés. C’est marrant.
  • Scènes coupées (5′). J’aurai bien vu la séquence 51 : joli plan révélateur du Sénégal d’aujourd’hui. La mère d’Amin prie pendant que sa belle-fille lui téléphone. A la fin, l’échange entre les deux femmes est assez tendu.

Ainsi que la 54, très courte, mais éloquent : les filles du pays évoquent leur avenir avec les garçons.

  • Entretien avec Philippe Faucon et Moustapha Mbengue (15′) . Le réalisateur a commencé à travailler sur son film bien avant « Fatima », en rencontrant des migrants et migrantes vivant seuls. «  Le succès de -Fatima- n’a pas modifié la façon dont on envisageait ce film , seul le financement a été plus facile ».  

Trouver Amin ?  La galère « ça ne me convenait pas, pro ou amateur, alors une directrice de casting travaillant avec l’étranger nous a a fait parvenir un extrait d’opéra dans lequel Mustapha apparaît , il était musicien en Italie ».

Moustapha Mbengue a vécu ce qu’il interprète dans le film. Il le raconte depuis le départ de son petit village, via l’île de Gorée au Sénégal « une région autrefois d’esclaves ».

«  En Europe il y a deux poids, deux mesures, et moi j’ai la chance d’être artiste et musicien, ce n’est pas la même chose que de vendre des sacs ou des colliers,  je peux être le porte-parole de mes frères, comme Amin l’est également, il peut faire comprendre ce que sont les migrants, et montrer comment ils vivent chez eux  » .

Le travailleur immigré laisse souvent une famille au pays. Philippe Faucon énonce le fait avec un naturel confondant. Une évidence qu’il met en scène comme un rappel à l’ordre des choses inscrites dans nos habitudes, nos silences, notre indifférence. Comme l’envers d’un décor planté par cette main d’œuvre étrangère que le cinéaste rencontre au hasard des chantiers plus ou moins déclarés. En France, Amin ( Moustapha Mbengue) entasse le sable et le gravier pour construire au  pays sa propre maison. Tout son salaire y passe, avec quelques petits cadeaux qu’il ramène aux enfants lors de ses retours, comptés, au Sénégal. Des…
le film
Les bonus

Autour de l’immigration, il est rare d’avoir les deux volets d’une situation plus qu’inconfortable. Ce que résume pourtant parfaitement Philippe Faucon en suivant l’aller-retour d’Amin entre son pays d’origine et celui de l’exil d’où il ramène l’argent nécessaire à faire vivre sa petite famille. Mais après neuf ans de sacrifice, celle-ci entend mettre fin à une séparation de plus en plus douloureuse. Un déracinement que le cinéaste révèle dans ses nuances et sa complexité, sans en rajouter sur une mise en scène dont le naturel renforce l’intérêt. En évitant les écueils d’un thème pathétique, le cinéaste réussit même la gageure d’une évocation amoureuse entre son héros et une femme blanche. Une sensibilité sans effusion, une évidence de tous les instants, qui pourtant nous échappe quotidiennement. Le travailleur émigré laisse souvent une famille au pays.

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