- Dvd : 16 novembre 2021
- 27 février 1970 en salle
- Réalisateur : Arthur Penn
- Acteurs : Arlo Guthrie, Pat Quinn, James Broderick, Pete Seeger, Lee Hays
- Durée : 110 minutes
- Sous-titres : Français
- Studio : Rimini Editions
L’histoire : Ray et Alice ouvrent un restaurant à côté de l’église désaffectée dans laquelle ils se sont installés. Tous leurs amis sont les bienvenus. Parmi eux, le jeune Arlo, chanteur de folk, qui taille la route, tentant de fuir la guerre du Vietnam et la police. Les fêtes se succèdent, l’utopie est en marche. Ce sera suffisant ?
Un demi-siècle après la sortie de ce film, on se prend à rêver de leur liberté, leurs éclats de vie et de la somme maigrelette nécessaire pour faire l’aller-retour. Du bonheur, des provisions, de l’amour.
Les pieds sur la terre de pandémie, « Alice’s restaurant » renvoie l’image et les chansons d’une époque où le pouvoir des fleurs tenait tête à l’autorité suprême.
Pourtant le représentant de l’ordre, l’officier Obie (William Obanhein) est plutôt débonnaire. Il les a « à la bonne », participe en civil à quelques petites fêtes, et quand il lui faut verbaliser pour décharge sauvage, c’est en traînant les pieds devant le juge du comté.
Un homme médusé devant la franchise totale des accusés. Arlo reconnait ses torts, trait d’esprit caractéristique du jeune Guthrie dont le film nous raconte un peu l’histoire.
Son papa, Woody Guthrie, célèbre chanteur de folk des années trente est à l’hôpital. Le fiston a pris la relève et sillonne les Etats-Unis, guitare sous le bras, baluchon en bandoulière. Jusqu’à la rencontre de ce couple improbable, Alice (Patricia Quinn ) et Ray (James Broderick) propriétaires d’une église désaffectée qui accueille tous ceux qui passent.
Arlo en fait une chanson et un pied à terre de l’histoire de la pop culture entre Woodstock et Altamont, tristement célèbre. (*) Une histoire de rêves fantastiques et de paix revendiquée au nom de l’amour libre. Tout autour du jeune héros les couples se font et se défont, sans tapage ni remue-ménage.
Arlo, un peu en marge, cool et non violent, demeure fidèle à Mari-chan (Tina Chen), et à tous ses amis de hasard rencontrés au cours de ses pérégrinations.
Arthur Penn en concocte plusieurs, savoureuses, voire exotiques, à l’image du recrutement militaire où les facéties d’Arlo Guthrie pour échapper au massacre le conduit directement dans le groupe W, celui des têtes brûlées, perverses, méchantes et sans pitié.
Le réalisateur a le sens du contact, et celui de la modération pour mettre en scène joyeusement, mais sans esbrouffe, ce genre de situation qui par ailleurs tournerait à la mascarade.
Tout son film est à cette image, mise en scène presque sobre en regard de l’esprit du moment qui virevolte et papillonne jusqu’au cœur de l’église pour célébrer Thanksgiving. Si l’on y voit un âne offert par Arlo à la maîtresse de cérémonie, c’est bien le chant du cygne qu’entonne Arthur Penn.
Un final éblouissant, glacial, une complainte de Joni Mitchell au cœur d’un paysage perdu dans la neige où quelques illusions se sont aussi perdues. La fin d’un rêve, le début du cauchemar ?
(*) Le concert organisé en 1969 par les Stones a fait quatre morts dans le public. Deux enfants ont été écrasés dans leur sac de couchage, un spectateur s’est noyé dans un canal d’irrigation. La sécurité était « assurée » par les Hell’s Angels.
LES SUPPLEMENTS
Jean-Baptiste Thoret, le réalisateur et historien du cinéma intervient à deux reprises sur le contexte historique et culturel du film.
- « Le temps est passé » (30 mn).- Il situe le film entre 1967 et 1969, d’un temps fort de la communauté hippie (« un moment de grâce ») jusqu’à son déclin marqué selon lui par le concert dramatique des Stones à Altamont (*). « C’est le contre Woodstock, l’envers noir ».
Il cite aussi John Kennedy et Martin Luther King , en opposition à la secte Manson en …
- « La queue de comète du Summer of Love 67 » (30 mn) –Le film à proprement parler. « A l’origine c’est bien la chanson éponyme d’Arlo Guthrie qui conduit au film » raconte l’historien, vraiment passionnant quand il aborde l’univers de Woody Guthrie, le maître à penser de la chanson folk dans les années 60.
Et tout aussi intéressant sur la manière dont il présente l’histoire du film à travers celle des Etats-Unis des années soixante, illustrée par le portrait du jeune Arlo Guthrie, le fils de …
Le Film
Les bonus
Je pense que pour suivre, comprendre, voire adorer ce film (mon cas) il faut peut-être avoir connu (même de loin) le mouvement du « Flower power » et l’émergence des hippies, aux Etats-Unis dans les années soixante-soixante-dix.
Avoir entendu un tout petit peu Arlo Guthrie le chanteur de folk dont on nous raconte ici l’histoire pendant ces deux années au cours desquelles il vivait plus ou moins dans l’église désaffectée qu’avait achetée ses amis Ray et Alice.
Arlo Guthrie incarne le hippie non violent, cool et sans histoire, qui ne veut que la paix et vivre comme il l’entend.
Le réalisateur a le sens du contact, et celui de la modération pour mettre en scène joyeusement, mais sans esbrouffe, toute cette époque joyeuse et inconsciente.
Tout son film est à cette image, mise en scène presque sobre en regard de l’esprit du moment qui virevolte et papillonne jusqu’au cœur de l’église pour saluer Thanksgiving. La bande-son est bien évidemment raccord avec l’époque, des refrains à la Guthrie mais aussi une complainte de Joni Mitchell au final, éblouissant, mais glacial.
Un demi-siècle plus tard, Arthur Penn me fait encore rêver.
AVIS BONUS
Deux points de vue passionnants sur le film (l’historique, le culturel) de la part de Jean-Baptiste Thoret, réalisateur et historien du cinéma